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La pêche, un motif auspicieux au Japon

Pourquoi tant de pêches ? Si vous suivez attentivement les annonces des nouveautés via ma newsletter, vous avez peut-être repéré l'émergence d'un nouveau « thème » dans mes sélections : les kokeshi en forme de pêche / à tête de pêche / avec une pêche sur la tête. Ce fruit d'été symbolise la longévité dans le culture chinoise, et on lui attribue le pouvoir de repousser les démons. Nous allons voir ensemble que, dans la culture japonaise, c'est très similaire.

En japonais, pêche se dit « momo ». On l'emploie pour décrire une couleur rose clair mais lumineuse (momo iro, soit mot à mot : la couleur des pêches), une teinte associée au printemps et à la Fête des Filles – dont on parlera juste après.

Momotarô, le conte japonais de l'enfant sorti d'une pêche


Un conte japonais célèbre, peut-être le plus connu de tous, s'appelle Momotarô. Tarô est un prénom japonais masculin extrêmement répandu, et attribué au premier né d'une famille pendant longtemps... au point que « Tarô » est aussi utilisé pour signifier « un garçon ». Aussi, Momotarô signifie « le garçon de la pêche ». Ce conte date de la période Edo (1603-1868) ; il a certainement rencontré des modifications avec le temps... Voici le squelette de l'histoire :


Une femme, lavant du linge à la rivière, aperçoit une pêche géante dérivant sur le courant. Désirant la partager avec son mari, elle l'attrape et la ramène à la maison. En l'ouvrant, ils y découvrent un petit garçon qui déclare que les dieux l'ont envoyé pour être leur enfant. Le couple est ravi ! Momotarô grandit, et devient un garçon fort, mais paresseux.

Un jour, les villageois, inquiets par la présence de démons à proximité, lui demandent, lui qui est si fort, d'aller les combattre. Momotarô part donc. Chemin faisant, il rencontre trois animaux doués de parole : un chien, un singe et un faisan. Ensemble, ils ont le dessus sur les démons, et les persuadent de laisser les humains tranquille. Tous quatre reviennent ensuite au village sous les honneurs, et riches de leur butin.


Momotarô, interprété en poupée kokeshi par l’artisan traditionnel Sato Seiko.

Momotarô, né d'une pêche, a donc efficacement repoussé les démons et garanti la sécurité de son village. C'est l'image même du garçon fort et courageux - d'ailleurs, il est fréquent d'offrir une figurine de Momotaro aux petits garçons pour Kodomo no Hi, fêté le 5 mai.



Izanagi et Izanami



Mais ce conte populaire n'est pas le seul où la pêche apparaît. On la trouve aussi dans la mythologie japonaise, et particulièrement dans l'histoire de Izanagi no Mikoto. Je vous la résume en quelques mots :

Izanagi est un kami (une divinité japonaise), co-créateur du monde dans la mythologie du Japon, au côté d'Izanami, sa sœur et son épouse. Ensemble, ils donnent naissance à de nombreux autres kami, formant à eux tous les éléments de la nature. Izanami meurt en donnant naissance au kami du feu, et rejoint le monde des morts. Blessé, furieux, Izanagi l'y rejoint pour la convaincre de revenir. Elle le met en garde : il ne faut pas la regarder. Izanagi, mû par l'impatience, ne peut s'en empêcher... et voit son corps en décomposition. Izanami, humiliée, lance après lui une horde de démons, qu'il n'arrivera à stopper qu'en leur lançant les fruits d'un pêcher.



Ces deux récits associent la pêche à des valeurs positives de protection contre les démons. Cette idée n'existe pas que dans la littérature, mais est présente dans le mode de vie japonais, encore aujourd'hui.


Momo no sekku, alias Hina matsuri

Poupée kokeshi avec tête en forme de pêche, de l’artisan Niiyama Yoshinori.



L'année japonaise est rythmée par cinq sekku, cinq fêtes traditionnelles liées aux saisons. Les sekku sont hérités des coutumes chinoises ; ils ont été intégrés et adaptés à la culture japonaise durant l'ère Heian. Ce sont des moments où l'on s'appliquait à repousser les esprits malfaisants, à prier pour sa longévité et la bonne santé de chacun.

Les sekku sont placés lors de jours particulièrement significatifs, favorisant le doublement du même chiffre dans la date. Ils ont tous plusieurs noms :

le 7/01 : Jinjitsu no sekku, aussi appelé nanakusa no sekku
le 3/03 : Momo no sekku, ou Joshi no sekku, mieux connu sous le nom de Hina matsuri
le 5/05 : Tango no sekku, aussi appelé Ayame no sekku (ayame signifie iris)... et aussi Kodomo no Hi
le 7/07 : Shichiseki no sekku, mais aussi Tanabata
le 9/09 : Choyo no sekku, ou Kiku no sekku (kiku signifie chrysanthème)

Lors de Momo no sekku / Hina matsuri, on souhaite que les petites filles du foyer grandissent en bonne santé. Les poupées que l'on place en amont de la journée du 3 mars servent à accueillir les esprits, pour protéger les fillettes des dangers.

Vous en apprendrez plus sur Hina matsuri juste ici (avec de nombreux exemples de kokeshi pour cette occasion).

Poupée kokeshi de Niiyama Mayumi, avec tête en forme de pêche

Poupée japonaise en bois de Fujita Mitsuharu, portant une pêche sur la tête

Voilà donc pour la symbolique de la pêche ! Ce genre d’articles vous est-il utile ?